Trente ans… et pas une ride !

Lukas Vischer, on parle beaucoup de l’Espace Économique Européen (EEE). Ne peut-on pas penser (…) qu’il serait souhaitable de parler aussi et surtout de l’Espace Spirituel Européen ? »

Lukas Vischer : Je comprends votre question ; je dois tout de même avouer que j’hésite à répondre dans les termes que vous avez choisis. Aujourd’hui, on demande souvent aux Églises de contribuer à la dimension spirituelle de l’Europe. Certains disent même que les Églises devraient donner son âme à l’Europe. Mais la dimension spirituelle n’est pas un produit qu’on peut livrer sur demande. Le rôle des Églises est tout d’abord d’être l’Église de Jésus-Christ. En vivant l’Évangile, peut-être verra-t-on comme conséquence une certaine spiritualité émaner de ce témoignage. (…)

Je pense que le témoignage chrétien doit se manifester dans un nouveau style de vie qui tient compte des exigences de la justice, de la paix et de la sauvegarde de la création. Car il devient de plus en plus évident : si nous voulons que ce monde survive et que de futures générations puissent en jouir, il faut qu’une profonde réorientation ait lieu. Nous ne pouvons pas continuer à gaspiller les ressources au rythme actuel. Nous ne pouvons plus polluer l’air, le sol et les mers comme nous le faisons à présent. Il faut un autre style de vie ; il devrait appartenir aux Églises de le développer.  Aujourd’hui les Églises parlent beaucoup de de l’évangélisation. J’hésite à me joindre à ce chorus de voix chrétiennes. A mon avis, le message que nous voulons transmettre aux autres s’adresse d’abord aux Églises elles-mêmes. Dans la mesure où elles l’accepteront, elles pourraient s’adresser aux autres.

Il ne faut pas se faire d’illusions. Les Églises n’ont pas de solutions miracles à offrir. Au contraire, à beaucoup d’égards elle font partie des problèmes de l’Europe. Pensons seulement aux liens qui unissent certaines Églises à leurs nations. Il y a donc une réflexion à faire sur nous-mêmes et notre rôle dans la société (…).

Lukas Vischer, théologien bâlois, avait travaillé presque 20 ans au Conseil œcuménique des Églises ; son interview était parue dans le N°1 d’Itinéraires en 1992.