Attention, une Russie peut en cacher une autre…

Les yeux braqués sur la scandaleuse « opération spéciale » russe en Ukraine, on sait qu’il faudra un jour vivre à nouveau non pas avec la Russie de Poutine mais avec les Russes, ses victimes comme les Ukrainiens. La Transibérienne sous l’œil de Véronique Marti et la plume d’Etienne Dubuis en procurent une rare occasion.

On a coutume de se percher sur les bogies hypnotisantes du Transsibérien, pour survoler l’immensité steppique jusqu’à Vladivostok; or voici que deux journalistes-aventuriers ont choisi de passer par la route : autobus de ligne parfois, mais souvent autocars exigus et grinçants, taxis défoncés pilotés à tombeau ouvert, nuits et repas chez l’habitant. Une Russie vivante, bigarrée, généreuse, totalement inconnue. Si loin du Kremlin ! Voici ce que cache le train de luxe, l’abstrait Transsibérien.

Etroitement conjugués, textes et photographies montrent derrière les enseignes modernes les décombres de l’URSS, derrière le dôme éblouissant des églises redorées le vernis criard et vite craquelé des oligarchies locales, derrière le presqu’occident le souffle étrange de l’orient, derrière les devantures et les parades le peuple palpitant, douloureusement conscient, espérant le souffle court depuis des siècles. Un peuple dont l’inconcevable grandeur est un alcool violent, une âpre ciguë.

C’est inhabituellement cultivé, surprenant, salutaire. Et c’est à lire urgemment !

 

La Transsibérienne, V. Marti et E. Dubuis – Éditions Slatkine