Elargir les seuils

« Comment dire l’acuité de son regard et l’étendue qu’il embrasse, qui va bien au-delà de ce
qu’il a sous les yeux. »
Qu’ont en commun les six chapitres du nouveau livre de Jean Prod’hom ? Rien. Enfin… rien si
on lit hâtivement ces 100 pages. Mais si, au contraire, on s’offre du temps, des respirations
pour que le texte fasse son chemin, des liens se tissent progressivement et subtilement
entre eux. Un peu comme un réseau de racines qui se donneraient la main, reliant
secrètement les arbres entre eux. Le lecteur est alors conquis.
Un mot s’impose au terme de notre lecture : réconciliation. Oui, c’est bien là que veut nous
conduire l’auteur sous le regard initiatique d’un vieux berger qui, un jour, lui a montré le
chemin. Sans rien dire. Parce que les paroles ne sont plus nécessaires lorsque la vie tout
entière est cueillie au fond du coeur.
Jean Prod’hom, dans son style singulier, semble proposer, parfois entremêlés, des souvenirs
de balades, des pages de philosophie ou des récits biographiques. En réalité, il veut nous
inviter – sans que nous devions négliger notre devoir de penser- à retrouver un esprit
d’enfance qui ne nous a peut-être jamais quittés, où la vie se boit sans le filtre du langage et
se nourrit de tout ce qui l’entoure. Peu à peu, ou lorsque le livre se referme, on comprend
que désormais, pour l’auteur, rien dans ce monde n’est de trop. Tout peut participer au
chant de la Vie et à notre émerveillement devant ses mystères. Une porte s’ouvre alors :
nous laisserons-nous entraîner, à notre tour, en « état de poésie », pour reprendre une
expression chère à Haldas ?
La personne qui m’a confié le livre a écrit sur une petite carte : « Je vous souhaite une bonne
lecture de cette pépite lumineuse ». Que dire de plus ?

Jean Prod’hom. Elargir les seuils.
Labor et Fides, 2023, 107p.

Eric Walther