« En fanfare »: vous avez dit harmonie ?

Autant dire que ça commence par une sacrée série de fausses notes, de discordances et de désaccords : faillite de la petite industrie, nébuleuse des enfants adoptés, secrets de famille et une leucémie pour couronner le tout.

Deux frères que rien ne devait rassembler se retrouvent pour une question de compatibilité génétique qui amène le déshérité à devenir le sauveur de l’autre. Mais l’ADN commun se révèle être la musique. Aux antipodes pourtant : un chef d’orchestre au faîte de son talent et de la gloire, et son frère imprévu, assez brut de décoffrage, tromboniste d’une fanfare sans directeur et ressemblant de fort près à la cour des miracles.

Ce film remarquable appartient – semble-t-il – au genre feel good. Et pourtant, les péripéties, les imprévus, les catastrophes de trop, sans caricature, n’épargnent rien de la réalité la plus crue : la spirale de l’échec est en mouvement. Le spectateur sent que le fatalisme affleure sans répit à sa conscience.

Mais par la grâce d’une construction serrée, d’acteurs excellement menés et de quelques scènes inoubliables, le drame engendre des héros tragiques et courageux, si consistants que ce film se hausse au niveau des grandes réalisations. Les frères s’uniront pour sublimer la déchéance et la maladie, pour se porter mutuellement vers leur accomplissement. Le final, inspiré par le bruit des machines industrielles, fait jouer une fanfare, un chœur de mécanos et un orchestre symphonique. On accède à la meilleure émotion musicale qui soit : une humanisation, clé de l’harmonie.

En fanfare, long métrage d’Emmanuel Courcol – Agat fils 2024

PS : Découvrir ce film au cinéma Royal de Ste-Croix (autrefois frappée par le chômage) avec une ouverture jouée par l’Instrum et commentée par la géniale patronne du lieu Adeline Stern, est évidemment un ensemble de circonstances exceptionnel

 

Jean-Daniel Rousseil