Faire paysan de Blaise Hofmann

Donnée pour titre, l’expression soulève une question brûlante : paysan, est-ce encore un titre ? Ou une servitude douloureusement héritée de l’ancien régime et d’une fatalité de sang ?

Et d’abord que fait-on, quand on fait paysan. Blaise Hofmann quitte délibérément le lyrisme rural convenu pour jeter son lecteur sous la masse écrasante des travaux de toutes sortes menés dans l’urgence d’avant l’aube jusqu’après le crépuscule. Et fi de toutes les illusions : les machines n’ont pas soulagé l’homme : elles l’ont enfermé, perché hors-sol dans une cabine de tracteur, perdu dans la stabulation libre, voué à lier son sort à des associations, des partis, des partenariats pour survivre, mais dépendant, plus seul et plus précaire encore. Rejoint par un pasteur pour un conseil, une écoute ou une brossée. Mais tellement seul.

L’auteur, vigneron lettré, ne se borne pas à recueillir les plaintes des agriculteurs qu’il écoute : il retrace une lutte de trente ans, menée juste après les trente Glorieuses, où la realpolitik agricole force le paysan à se mettre aux normes du bio et du paysagisme. C’est solide, bien écrit, sans effet et sans flou, instruit et pas pédant.

Hofmann termine sur un éloge aux projets novateurs, aux idées audacieuses, aux pionniers de la diversification. Il évoque le rôle des femmes dont le salaire tient la barque à flot, les postes publics, les marchés à la ferme, les parrainages. Il montre qu’on peut y croire parce que faire paysan, c’est faire l’Homme.

Blaise Hofmann donne des conférences et accompagne une exposition sur les artisanes auxquelles il vient de consacrer un livre. www.blaisehofmann.com

Faire Paysan, Genève, Éditions Zoé, 2023

Jean-Daniel Rousseil