Heidelberg en été

Madeleine Knecht.Zimmermann – Heidelberg, en été – Roman – Éditions de l’Aire, Vevey, 2023, 307 p.

Emma a vingt ans en 1963. Son père vient de mourir. Ses relations avec sa mère sont difficiles. Elle choisit de s’éloigner et d’aller à Heidelberg pour une année d’études de Lettres. Ce séjour est pour elle d’une grande richesse. Emma découvre la ville, son château imposant, sa rue principale si vivante, ses monuments. Elle parcourt la région du Neckar, ce fleuve paisible bordé de sentinelles fortifiées qui montent la garde. Surtout elle plonge dans une vie étudiante riche et palpitante. Un professeur renommé lui ouvre le monde des troubadours germaniques et occitans, mais aussi celui, romantique, de Friedrich Hölderlin. Partout la vie intellectuelle donne sa couleur à l’existence.

La logeuse d’Emma joue un rôle considérable lors de ce séjour. Elle lui raconte la terrible destinée des Allemands de Prusse-Orientale en janvier 1945. Ils ont fui la région de Königsberg pour échapper à la poussée vers l’ouest de l’armée russe. La logeuse d’Emma a vécu cette terrible marche dans le froid et le vent jusqu’à Dresde et au-delà. La fin de la guerre approche. L’Allemagne subit les derniers assauts des Alliés et des Russes. Emma est submergée par ce récit, alors que la fille de sa logeuse se tient en retrait. Et puis il y a Horst qui lui fait découvrir la région … et l’amour.

Un jour, sans un adieu, Emma rentre en Suisse.

Vingt ans plus tard, elle retourne à Heidelberg pour essayer de déchiffrer ce passé qui lui échappe. Le livre entrelace le premier et le second séjour. Il ne s’agit pas simplement de reconstituer les faits, mais de mieux les comprendre. Que s’est-il passé pour Emma durant ces quelques mois ? Quelle place occupe cette période dans sa vie ? Pourquoi a-t-elle quitté Horst si brusquement ? Le retrouvera-t-elle ?

L’écrivaine s’est fait connaître dès son premier livre, Le Cordonnier de Sainte-Croix (Aire, 2008). Six autres ont suivi. On retrouve ici son goût de l’histoire, son écriture qui fait merveille, en particulier dans la description des paysages. Son sens de l’humain nous touche également. Emma sera amenée, en communion lointaine avec la fille de sa logeuse, à s’interroger sur la jeune femme qu’elle était, sur sa relation avec sa mère.

Pierre Marguerat