Brimée par la hiérarchie impitoyable et jalouse de la cuisine étoilée où elle travaille, Cathy Marie se regimbe et se fait remercier. Dans cette France où il semble qu’il suffit de traverser la rue pour retrouver du travail, elle échoue dans un centre pour migrants où elle doit faire la tambouille à la rame pour des jeunes qui ont franchi la Méditerranée. Et Cathy Marie bronche à nouveau : pas question d’ouvrir des boites de raviolis !
Et c’est ainsi que débute un nouveau périple : former ces jeunes « qui ne savent rien », les styler, les constituer en brigade à la française. A eux non pas de se faire dresser, mais de dresser un plat, une table, un menu. Une histoire d’intégration volontariste qui tire sa force de la déréliction partagée des protagonistes : d’un côté une cheffe au chômage, elle-même enfant adoptée ; face à elle, une bande de jeunes Africains qui n’a plus rien à perdre mais qui se débat entre le rêve de devenir Mbappé et les reliquats d’une culture patriarcale.
Or voici que cette petite bonne femme courroucée va les contrer et leur mettre en bouche, vaille que vaille, à la fois un monde de saveurs et un vocabulaire : une langue maternelle ! Tout cela dans un monde comme une mer mauvaise où déferlent les vagues croisées de la rigidité administrative qui refuse tout et des fantasmes télévisés qui promettent tout et n’importe quoi.
Sans doute cette fable – parfois un peu convenue – ne révolutionne-t-elle pas le septième art, mais elle est emmenée par de fameux comédiens, en particulier les jeunes qui jouent leur propre rôle. L’histoire finit de façon réaliste : Cathy Marie, en mère-courage qui ne mâche pas ses mots, aura sauvé de la noyade deux de ses protégés… et appris aux autres à nager, à parler, à se redresser. Ce film, audacieux sous ses apparences faciles, nous embarque, nous donne le mal de mère, nous embrigade.
Jean-Daniel Rousseil
La Brigade (2022)
Réalisation : Louis-Julien Petit
Scénario : Louis-Julien Petit, Liza Benguigui, Sophie Bensadoun et Thomas Pujol