La Brigade… ou la langue maternelle

Brimée par la hiérarchie impitoyable et jalouse de la cuisine étoilée où elle travaille, Cathy Marie se regimbe et se fait remercier. Dans cette France où il semble qu’il suffit de traverser la rue pour retrouver du travail, elle échoue dans un centre pour migrants où elle doit faire la tambouille à la rame pour des jeunes qui ont franchi la Méditerranée. Et Cathy Marie bronche à nouveau : pas question d’ouvrir des boites de raviolis !

Et c’est ainsi que débute un nouveau périple : former ces jeunes « qui ne savent rien », les styler, les constituer en brigade à la française. A eux non pas de se faire dresser, mais de dresser un plat, une table, un menu. Une histoire d’intégration volontariste qui tire sa force de la déréliction partagée des protagonistes : d’un côté une cheffe au chômage, elle-même enfant adoptée ; face à elle, une bande de jeunes Africains qui n’a plus rien à perdre mais qui se débat entre le rêve de devenir Mbappé et les reliquats d’une culture patriarcale.

Or voici que cette petite bonne femme courroucée va les contrer et leur mettre en bouche, vaille que vaille, à la fois un monde de saveurs et un vocabulaire : une langue maternelle ! Tout cela dans un monde comme une mer mauvaise où déferlent les vagues croisées de la rigidité administrative qui refuse tout et des fantasmes télévisés qui promettent tout et n’importe quoi.

Sans doute cette fable – parfois un peu convenue – ne révolutionne-t-elle pas le septième art, mais elle est emmenée par de fameux comédiens, en particulier les jeunes qui jouent leur propre rôle. L’histoire finit de façon réaliste : Cathy Marie, en mère-courage qui ne mâche pas ses mots, aura sauvé de la noyade deux de ses protégés… et appris aux autres à nager, à parler, à se redresser. Ce film, audacieux sous ses apparences faciles, nous embarque, nous donne le mal de mère, nous embrigade.

Jean-Daniel Rousseil

La Brigade (2022)
Réalisation : Louis-Julien Petit
Scénario : Louis-Julien Petit, Liza BenguiguiSophie Bensadoun et Thomas Pujol

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(…)
Et pourtant je crois. La foi est une dimension ténue de l’existence tout en étant solide et capable de déplacer des montagnes. Mais elle reste mystère quant à la destinée du monde et des humains.

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À l’heure où nos institutions ecclésiales semblent avoir repris leurs distances et y camper, à l’heure où les crises qui nous submergent semblent faire passer l’essentiel dans les abysses, il y a un combat à mener, un combat que ne renieront pas les pionniers de notre revue. Des murs à (re)détruire et des ponts à (re)construire, chez nous autant qu’ailleurs dans le monde. Telle est notre intention en choisissant ce thème pour clore notre 30ème : mettre en valeur les personnes, communautés et les lieux qui balisent le chemin d’Unité.

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Responsable(s) ? Mais de qui, de quoi ? Pendant combien de temps ? Responsable(s)
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l’Etat, son patron, sa famille, sa conscience ?
Ces questions ne sont pas banales. Et les réponses ne vont de soi pour personne. Or les
appels à “se sentir responsable“ ne cessent de retentir au point que nous pourrions nous
sentir écrasés par leur nombre et l’importance des enjeux soulevés.

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« Qui n’a jamais été ébranlé par le chant du merle, ne le sera pas non plus par la voix du misérable » bougonnait le sage.
Voix du monde, voix humaine, tintamarre, symphonie, vocifération, supplication, incantation…
Douze auteurs sont là pour nous rappeler, nous interpeller, nous réveiller. Qu’entendons-nous ? Qu’écoutons-nous ? Sur quoi, pour quoi s’ouvrent nos lèvres ?
Voulez-vous bien faire route avec eux ? Reprendre le refrain, le lamento, le psaume que fait monter le pas ?

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De la trouille ou de la pétoche qui ont fait trembler notre enfance, aux soucis, aux angoisses qui s’en viennent troubler nos consciences voire nos sommeils d’adultes, n’y a-t-il pas une autre forme de crainte, libératrice, qui nous saisirait devant tout ce qui nous dépasse, ce qui nous échappe. Et d’abord devant Dieu ! Levons donc les yeux vers les montagnes ! Bonne lecture !

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