La paix n’est pas donnée

(…) En physique, il existe une grande loi qu’on appelle la « thermodynamique ». On peut la traduire ainsi : construire une ville demande de la conscience, de l’attention, de l’intelligence, du travail ; cessez ce travail et la ville tombe en ruines. Après avoir fait quelque chose, si on ne fait rien pour l’entretenir, cette chose se dégrade par le seul passage du temps. Tous les jours, on remarque que faire du ménage est un effort, une série d’actes, alors que le désordre semble se faire tout seul.

Lorsqu’on voit la ville de Marioupol en Ukraine avant la guerre, et après la guerre, on remarque que la guerre n’a fait qu’accélérer cette loi de la thermodynamique que l’on nomme « entropie ». Ce qui aurait pris deux siècles d’inaction s’est fait en quelques jours. La guerre n’est pas un acte de la conscience, ni de l’attention, c’est un laisser-aller face aux forces inconscientes, c’est de la dégradation mentale, du ressentiment qu’on a laissé accumuler, puis laissé exploser.

La paix au contraire est un acte qu’il faut refaire comme le ménage, ou l’entretien d’une ville, un travail de tous les jours contre la dégradation. Tout le monde a expérimenté que produire une solution constructive est un travail, alors que blâmer, dénigrer, partager des ouï-dire n’est qu’un laisser-aller. On a tous découvert un jour qu’entretenir la joie dans sa famille est un effort, un travail qui demande beaucoup d’attention, alors que si on laisse tomber, la tristesse, les idées sombres et l’agressivité reviennent. Le bonheur est une œuvre d’art à recommencer chaque jour. (…)

Jean Bédard