Le chant nous fait dire, ensemble, des paroles que nous hésiterions à dire seuls, et que nous découvrons vraies. Une exemple:
Personne ne sait la souffrance que j’ai vue, personne sauf Jésus
Personne ne sait la souffrance que j’ai vue, gloire, alléluia
Nobody knows the trouble I’ve seen ! Nobody knows but Jesus
Nobody knows the trouble I’ve seen ! Glory ! Hallelujah !
Le refrain de ce negro spiritual est déconcertant. Il semble passer du coq à l’âne. L’exclamation Glory ! Hallelujah ! suit sans transition le cri de souffrance. Ces paroles que nous hésiterions à prononcer dans une telle situation, nous les chantons; ou plus exactement le chant nous les fait chanter.
Contrairement à d’autres arts, la musique et le chant ont cette contrainte du temps: une fois embarqué, je dois faire le chemin jusqu’au bout. Ce serait d’ailleurs drôle de voir un chanteur s’arrêter de chanter chaque fois que la partition le fait réfléchir. Le mouvement inarrêtable de cette partition nous permet de chanter des paroles avant même de nous mettre en accord ou en désaccord avec elles.
Ainsi, le chant nous conduit parfois à l’apprentissage d’émotions qui nous seraient autrement inconnues, et qui nous semblent données de l’extérieur, qui bousculent notre monde intérieur pour l’ouvrir à une souffle nouveau, celui de l’Esprit.
Hyonou et Julie Paik
Extrait de « L’Unité par le chant » in Itinéraires N°118, juin 2022