Lumière parmi nous

Dans le métro, en fin d’après-midi. Une jeune femme entre, munie d’une poussette un peu surdimensionnée. Au moment où je me pose la question « mais que peut bien cacher ce monticule de couvertures ? », la maman me donne la réponse : elle en extrait, peu à peu, et avec toute la tendresse du
monde, un petit être, poupon désarticulé….Mon cœur n’en fait qu’un tour, mais quelle souffrance d’avoir un enfant comme ça !
Une petite fille, d’un an ou deux, le joli visage un peu basané à la coiffure impeccable, deux couettes bien fournies qui partent d’une raie soigneusement tirée. Quelques grognements accompagnent ce déménagement de la poussette dans les bras de maman. Et celle-ci, prenant cette ébauche de dialogue pour une déclaration d’amour, la couvre de baisers, la rassure « comme je t’aime ! » et lui dit, avec un grand sourire, MAMAN….dix fois, vingt fois, sur tous les tons que peut prendre l’amour. Comme si elle voulait lui dire : répète après moi,  comme si elle voulait croire au miracle, comme si ce MAMAN devait forcément résonner profondément au cœur de la petite et, dans le secret de son hiver,
faire germer une réponse.

Et la Lumière fut, dans le métro, juste avant la cohue de 5h….

J’étais bouleversée par la scène dont je fus témoin, mais il y avait autre chose, comme une révélation ?

Et si cette petite fille, incapable de coordonner ses mouvements, incapable aussi de mettre deux syllabes ensemble qui fassent sens, si ce petit être désarmé et désarmant, c’était nous, chacun de nous ? Et si notre Dieu tout-  puissant en amour était Celui qui nous chuchote inlassablement PAPA, MAMAN
comme pour implanter en nous ce fond de confiance qui fait vivre ? Si c’était Lui qui sait transformer nos grognements de prières en manifestations de désirs de Lui ? S’Il était, comme la jeune maman, en quête d’amour, de réciprocité, prêt à oublier nos travers, nos méchancetés, nos indifférences, pour entendre notre cœur Lui répondre ?

Si, finalement, il ne s’agit que de ça ?
Et voilà, je dois descendre, je suis arrivée. Vraiment ?

 

Christine Egger