O vous frères humains

Que l’on se résigne à trouver dans la mort prochaine, inéluctable, avide la seule définition commune de l’humanité, la seule fraternité, le plus petit dénominateur commun, voilà qui est bien désespérant ! Que cette prise de conscience naisse dans l’esprit d’un gosse de 10 ans, voilà qui est terrible !

Du haut de sa « mort prochaine », Albert Cohen se souvient de ce jour ensoleillé de son enfance où un camelot interrompt ses boniments pour le désigner, le stigmatiser, le chasser. Parce qu’il est juif.

Longue errance de mots et d’idées qui suggère comment, sur ce petit Français patriote et rêveur, est tombée la chape du racisme, comment toutes notions se sont soudain inversées, comment le monde a perdu d’un seul coup sa saveur et son sens.

Nulle vaine jérémiade, nulle victimisation frauduleuse, une prise de conscience qui équivaut à une perte de conscience, une léthargie morale et sociale, une irrémédiable intranquillité.

De Cohen, et pour comprendre la question juive, il faut avoir lu Solal, Mangeclous et Belle du Seigneur. Mais il faut commencer par son ultime livre : O vous, frères humains.

J.-D. Rousseil