Le titre de ce roman assez désinhibé – D’où jaillira la vie – n’est pas une question. Voire. Car l’auteur, Raphaël Pomey, est pourtant un questionneur. Journaliste sous diverses enseignes avant de créer la sienne en lançant le mensuel Le Peuple, Pomey est une vraie mouche du coche. Anarchiste et conservateur, dit-il lui-même. Un aiguillonneur de consciences, courageux et persévérant, parfois têtu, il est devenu celui que la RTS convoque dans ses forums pour représenter la droite décomplexée. Et il assume, il assure, même s’il y perd des plumes. Il est respecté bien au-delà de son lectorat parce qu’il cherche à faire survivre le dialogue, la discussion, le débat en des temps où les camps se retranchent, où l’entre-soi cultive la diabolisation d’autrui, où les cénacles et la propagande font bon marché de toute éthique intellectuelle, se contentant de slogans péremptoires et de fake-news.
Roman parlé (au JE) en trois tableaux, D’où jaillira la vie campe un jeune pigiste qui galère entre la fin d’un doctorat, une fervente amoureuse et la nécessité vitale de pondre des articles, trouver des créneaux, faire des piquets à la réd. D’abord sur la piste de petits trafiquants dans les milieux de l’immigration, ce Bruno relate ensuite le voyage d’une école privée à Auschwitz, avant de filer un groupuscule d’extrême-droite en veine de provocations. Pour résumer : dans le chaos d’une société libérale multiculturelle aux marges incontrôlables, le récit découvre les dessous plus ou moins réjouissants de l’éducation et du devoir de mémoire puis montre la radicalisation comme une réponse aveugle qui aggrave le marasme général.
L’intérêt du texte tient à ce qu’aucun des actants de cette semi-fiction (individus ou groupes) n’est condamné ni même totalement discrédité, après avoir pourtant été fermement étrillé. Ajoutons que le protagoniste essaie lui-même de se positionner, aux prises avec le doute que lui inspire le monde comme un moderne Ecclésiaste, et au moyen de sa gouaille décapante qui dérespecte tout. Ce va-et-vient entre minutieuse inspection du réel et introspection sans complaisance fait l’honnêteté de ce roman : comment vivre dans ce monde-là ? Et surtout : comment y donner la vie ? Car telle n’était pas la question. A moins que ce ne soit la seule interrogation et la seule vraie réponse.
Raphaël Pomey a su faire entendre la voix d’une génération, tous calicots confondus.
D’où jaillira la vie Raphaël Pomey – chez l’auteur info@lepeuple.ch
