On n’a pas manqué de tiquer lorsque la caméra est passée en frontal devant cette compagnie de noceurs bigarrés qui proclamait le discours de l’inclusivité lors de la cérémonie d’ouverture des JO parisiens, souvent belle d’ailleurs. Bien sûr, cette frise : personnage central auréolé qui partageait le son (plutôt que le pain) à ses fidèles, s’est superposée dans tous les esprits au « Dernier repas » de Leonardo da Vinci. Avec Sodome et Gomorrhe en pique-assiettes.
D’autres figures erraient dans une fin du monde noyée sous le déluge, tandis que des arches détrempées pavoisaient en cortège avec à leur bord des cohortes de jeunes gens musclés qui piaffaient d’en découdre.
Fallait-il ne rien dire de cette façon de reprendre l’un des plus cruciaux épisodes de la chrétienté ? Évidemment non, car tout art s’expose à la critique, suscite le débat ! Sans doute aussi, et sans pudibonderie, car ce théâtre érotique incluant une enfant bravait toutes les catégories que ++metoo protège désormais. Sans doute encore car ce petit monde ne manquait pas de grotesque, et on était assez éloigné du talent de Leonardo da Vinci. Sans doute enfin car on n’oublie pas impunément que les téléspectateurs ont d’autres références que cette désincarnation de l’humain par le culte de la performance ou la fête orgiaque, et que la religion cathodique n’a pas à museler ceux qui voient en Jésus-Christ un rempart contre l’inhumanité.
Mais on peut a contrario faire preuve de miséricorde et relever que ces peut-être artistes, voulant célébrer entre-soi la communion de leurs inclusivités, n’ont pas trouvé mieux que la Sainte-Cène pour l’illustrer.
Comme une sorte de grande nostalgie du véritable arc-en-ciel. Une nostalgie, à nos yeux, d’une troublante et salutaire pertinence.
Jean-Daniel Rousseil