Tourner la page !

Il en va de vivre comme de livre: vient un moment où, bon gré mal gré, il faut tourner la page. Au quotidien, la voix insistante du réveille-matin dissipe les songes, le soir offre aux yeux clos l’occasion d’un bilan. On se dit et on se redit, on se lit et on se relit. Une naissance, un décès, une union, une amitié qui surgit ou disparaît, sans compter les cahots de la vie professionnelle. Il faut se formuler et se reformuler sans cesse.

Qui s’étonnerait alors que le livre, a fortiori Le Livre, ne nous procure pas la même chance, le même risque ? Au gré des périodes de notre vie, des apprentissages et des dévoilements, des souffrances et des joies, l’écriture sainte s’ouvre et s’ouvre encore ! Et si nous tenons un peu à ce Dieu qui se révèle, qui s’incarne et se formule, ne nous y trouvons-nous pas gagnants, voués à lire et à relire pour vivre et revivre ?

Reconnaissons d’abord que tout n’est pas à jeter à chaque fois, que l’élaboration, le mûrissement sont des voies de sagesse et d’approfondissement légitimes et que « Tout beau, tout nouveau » ne doit pas faire règle. Reconnaissons aussi que tourner la page, c’est mourir à ses certitudes, renoncer à ses conforts mentaux, intellectuels, sociaux, spirituels. Et admettons qu’il est un temps pour entrer en itinéraire et un temps pour prendre du repos.

Mais on ne saurait assez écouter la vieille formule qui affirme, espiègle: « tourner la page, c’est en ouvrir deux ». Plus d’espace pour Dieu d’abord qui ne me veut  pas resserré dans l’étroitesse des idées que je me fais à son sujet. Plus d’espace pour moi, pour déployer les ailes d’une liberté intérieure qui constitue la plus grande bénédiction possible. Plus d’espace pour l’autre, enfin, qui me questionne et me renouvelle, ou qui s’approche de moi pour m’entraîner avec lui vers des horizons neufs.

Voici ce qu’offre ce nouveau numéro. Voici ce que nous vous souhaitons pour l’an neuf.

Jean-Daniel Rousseil