Tout en haut de l’affiche !

Une vache en vedette, quelle gageure ! Une vache comme visage plus qu’humain ! Une vache d’Hérens à qui une artiste parisienne lit Descartes ! Tombons-nous en pleine émeute antispéciste ?

Rien de tout cela ! Vedette, qui procure son titre à ce film extraordinaire, est le nom d’une vache d’Hérens, noire, massive, puissante, hugolienne… et vieillissante qui, après avoir dominé son troupeau durant une bonne décennie de ses cornes redoutables, connaît une défaillance et doit céder sa royauté à l’adversaire qui l’a mise en déroute. Dans les hauts et abrupts herbages de cette profonde vallée, la pente du destin s’incline d’un coup: on ne peut pas laisser Vedette avec ses anciennes sujettes qui la harcèleraient.

Les deux propriétaires, mère et fille, ne voient qu’un expédient: laisser Vedette en compagnie de ces estivants parisiens qui promettent de l’accompagner, qui s’engagent dans une véritable relation avec elle et, coup de génie, la traitent selon son rang en lui lisant les auteurs brillant jadis à la Cour de Versailles. Une histoire d’estime et d’amour totalement improbable, captée par un cinéaste d’une entière discrétion, mise au jour dans l’obscurité des salles de cinéma de France et de Navarre ! Une émouvante prouesse !

Mais voici que Vedette décline, erre, dépérit. L’hiver passe sur elle, la terrasse et l’emporte. On retrouve ses propriétaires au printemps. Après avoir pensé l’endormir, elles ont décidé de faire sécher sa viande et de la manger pour prolonger le grand amour de cette vache amie, de cette vache enseigne, de cette vache providentielle !

Du fond de son fauteuil, on mâche avec elles, on savoure encore la force du goût, la vigueur de la fibre, l’inoubliable et sombre éclat de Vedette !

Jean-Daniel Rousseil