Davel, le patriote sans patrie – C.-F. Landry

Major, héros et héraut. Vaudois du monde d’avant. Du temps de Berne. Prend la tête d’une escouade et la perd, au sens propre et figuré.

Dans un texte oublié, C.-F. Landry suit ce Culliéran retraité, le montre haranguant ses lieutenants, montant avec eux et mille soldats vers la Porte Saint-Pierre, descendant la Rue de Bourg, franchissant le Flon comme un Rubicon avant de traverser la Palud, gravir l’escarpée Mercerie et aboutir au Château.

C’est ramuzien d’abord pour une subtile peinture du Dézaley, de la baie lumineuse de Cully, des arbres bouleversés par le printemps, comme si Davel quittait un Eden. C’est épique, ensuite, quand il s’agit de faire entendre le pas des chevaux, le tintement des fers sur le pavé lausannois.  Mais Landry réussit surtout à articuler le double portrait d’une population vaudois bigarrée, trouvant son petit confort dans la collaboration avec ce Bernois qui le dispense de gouverner, et celui d’un homme seul aux prises avec la nécessité d’être à la fois fidèle à Dieu et aux hommes, bref une vocation qui l’élève, le dépasse peut-être, le fait aspirer à la pleine extension de son humanité. D’un côté les Vaudois – petits Conseillers, notaires, ministres du culte – en prennent pour leur grade: fricoteurs, veules, opportunistes; de l’autre, Davel se dresse héroïquement, isolé par une qualité d’âme particulière, par une foi qui fait de lui un illuminé aux yeux de ses pâteux voisins alors qu’il demeure humble et patient, disponible au service, accordé en fait à cette terre âpre et variée, puissante, féconde, à jamais insoumise.

Tout cela, Davel a juste encore le temps de le dire à Vidy. Il mérite d’être entendu.

Davel, le patriote sans patrie  de C.-F. Landry
Campiche – Cam’Poche

Jean-Daniel Rousseil